Maxine Sullivan. Découverte à l’Onyx Club par le séminal Claude Thornhill – dont nous ferons la joie de parler bientôt dans un autre sujet – qui devait sans tarder l’enregistrer devant un septet et interprétant deux délicieuses ballades écossaises prélevées dans le répertoire populaire :
Annie Laurie et
Loch Lomond, la dernière faisant un tabac et devenant un fétiche que la chanteuse emportera dans ses bagages tout au long de sa carièrre.
Sa voix sans vibrato, lumineuse, légère, gracieuse mais dépourvue d’affectation fait toujours mouche au sein de l’exceptionnel sextet réuni par son mari des années de guerre, John Kirby dont on disait alors qu’il s’agissait du
Plus Grand Petit Orchestre du Coin-
The Biggest Little Band on the Land. La formation comptait outre la basse puissante et souple de Kirby : Charlie Shavers à la trompette, Buster Bailey à la clarinette, l’altiste Russell Procope, le pianiste Billy Kyle et O'Neil Spencer à la batterie, la plupart des membres produisant des arrangements renversants pour l’époque, celui de
Peanut Vendor déployant une telle énergie et un tel brio qu’on peut franchement, et sans vaine acrimonie, mesurer ce que nous avons musicalement perdu en fraîcheur et en swing avec le temps.
Preuves à l’appui : le disque CCD125, édité par le label Circle Records est intitulé Maxine Sullivan et John Kirby,
The Biggest Little Band In The Land More 1940-1941 qui regroupe un grand nombre de joyaux à l’éclat raffiné et aux effluves enivrants ; ou encore le délicieux album qu’est
A Tribute to Andy Razaf et qui rend hommage à la musique de cet authentique duc malgache – né
Andriamanantena Paul Razafinkarefo - exilé à Harlem est entièrement recommandable.
Enfin, je me souviens d'une nuit où, venant d'écouter un album de Hank Mobley et me souvenant alors de ce qu'on disait de ce musicien très sous-estimé, à savoir qu'il avait un
middle-sound, que la voie du milieu en occident , c'est la voie de l'oubli, il m'est aussi venu à l'esprit que ce même genre de déboire stupide avait peut-être également contribué à mettre un terme à la carrière de Maxine Sullivan qui, bien que possédant une voix unique en son genre, n'aurait pu rivaliser avec, par exemple, Sarah Vaughn en matière de puissance.
Au milieu des années 50, à l'âge des grosses cylindrées dont l'une devait être fatale à Jane Mansfield, la chanteuse devint infirmière diplômée et ne réapparut sur les scènes du jazz que 20 ans plus tard, quand les oreilles furent à nouveau agitées, comme les feuilles d’un arbre avant l‘orage, par le regret d’une époque révolue.
Ecoutons donc une des plus belles versions de
Honeysuckle Rose prélevée de l'album hommage à Razaf. Très beaux solos de Richardson à l'alto, Bailey à la clarinette puis Shavers à la trompette. Il y a ici de la magie.
HONEYSUCKLE ROSE