Peggy Lee, suédoise américaine de son vrai nom Norma Deloris Egstrom, passa, avant de se décider à chanter, sa jeunesse à se faire casser la gueule par sa belle mère pendant que son père saoulait la sienne dans un coin de véranda.
Pendant que je cueillais les pommes, Meg surgissait à l’improviste, une grande trique à la main et m’en donnait de grands coup dans les jambes, jusqu’à ce que tombe de l’échelle en pleurant. Ca la faisait marrer au point qu’elle en bavait. Je dis cela mais ça n’est qu’une partie de ce que j’ai du endurer à l’époque ou je vivais encore avec eux à Jamestown. Un jour j’ai foutu le camp chez une cousine à Valley City et j’ai commencé à chanter partout où je pouvais. J’ai aussi chanté dans un restaurant polonais où jouaient des types dont vous n’avez jamais entendu parler et où le salaire des « artistes de passage » était une bière et une grande assiette de choucroute au lard servis à 1H00 du matin, quand les clients à moitié bourrés partaient se coucher avec les filles qu’ils avaient pu ramasser. J’ai chanté sans m’arrêter, fallait que j’oublie. Et puis, en 1941, la bonne amie de Benny Goodman, Lady Alice Duckworth la remarqua alors qu’elle faisait, non du beurre, mais le bœuf dans une boite nommée
The Buttery Room, y traînant ledit Goodman qui cherchait à remplacer Helen Forrest dans son orchestre et consentit à faire le voyage et à s’éloigner un peu de son de son hôtel. Après les volées de bois vert et des années de souffrance, les saloperies et le silence des champs du Dakota derrière les persiennes en larmes de rage, les deux années passées chez Goodman furent comme un grand soulagement, une fuite infinie d’une tournée l’autre,
greyhounds à tombeaux ouverts sur les routes endormies de l’Amérique en guerre. Et les premiers éclats de voix :
Somebody Else Is Taking My Place,
Why Don't You Do Right? – en fait la reprise géniale d’un blues de 1937 - nommé d’abord, en 1936,
The Weed Smoker's Dream et composé par Joe McCoy pour son orchestre des
Harlem Hamfats avant de changer de nom – les blues ont vocation à changer de nom sans arrêt- lorsque la chanteuse Lil Green l’interpréta l’année suivante avec Big Bill Bronzy.
En 1943, Peggy se maria, parce qu’il jouait bien, avec le guitariste de l’orchestre, Dave Barbour, aussi brun qu’elle était si blonde. Goodman, jaloux dans le fond, les vira tous les deux. Barbour lui donna une petite fille, Nicky, et deux standards du tonnerre qui firent exploser les studios Capitol en 1946 :
I Don't Know Enough About You et
It's a Good Day - où le grand Georges van Eps se contente de faire la pompe!
Dix ans après cette petite blonde au charme sérieux et à la voix aussi âpre que douce enregistrait, kidnappée par le directeur du label, l’opiniâtre Milt Gabbler, un très grand disque pour DECCA :
Black Coffee ou la chanteuse y est continuellement inspirée, jusqu’à la transe rêveuse et l’ardeur hypnotique -
My Heart Belongs to Daddy – ou encore l’ironie mystique -
It Ain't Necessarily So. Ecoutons la avec une formation superbe puisque deux des sidemen qui l’accompagnent sur ce très élégant, faussement ingénu et très frenchy
When The World Was Young ne sont autres que le trompettiste Pete Candoli, le pianiste Jimmy Rowles et le batteur Ed Shaughnessy.
Ah, the Apple Tree….
WHEN THE WORLD WAS YOUNG