Bannister Dom Perignon
Nombre de messages : 1955 Localisation : Paris Date d'inscription : 23/06/2007
| Sujet: BETTY CARTER ONLY BY HERSELF Dim 16 Mar - 21:20 | |
| Betty marchait des heures avec Parker, derrière lui au début de la soirée, à la fin, c’est lui qui l’a suivait. Ou alors on tombait sur elle au Club Samoa et elle disait "Bird s’est envolé!". En fait, Parker s'était tiré avec un dealeur et l'avait plantée gentiment pour lui éviter, disons, les désagréments qui suivaient inévitablement ce genre de choses. Elle en a bavé. Sérieusement. Pas d’engagements durables, pas beaucoup de connaissances. Beaucoup de problèmes. Un sale caractère. impossible de lui faire entendre quoi que ce soit dans un studio. Elle n'a jamais fait que ce qu'elle voulait, je peux vous l'assurer. Mais elle a pu travailler de temps en temps, toujours avec de très bons musiciens parce que vous devez savoir que ce genre de chanteuses ne travaille pas avec vous si vous ne tenez pas la route, c'est impossible, si vous la ramenez ou si vous ne faites pas l'effort de les suivre, elles claquent la porte. Betty n'est pas une fille que vous pouvez faire monter devant un grand orchestre et chanter en montrant son cul devant des centaines de personnes avec une sorte de sourire publicitaire. Il y a de l'agressivité chez elle, c'est une lionne et avant de se calmer, de se coucher comme un fauve, elle mord salement.
King Pleasure
Ainsi Betty carter ne montrait-elle pas son cul à qui le voulait et jamais sur une scène. Celle qui fabriquait de gigantesques sandwichs pour un Parker à l'appétit rendu considérable par la drogue, comblant ces grands trous dans lesquels Bird finirait par tomber pour n'en plus revenir, n'a jamais fait la moindre concession.
Née Lillie Mae Jones à Flint, dans le Michigan, elle rencontre Parker à 16 ans, avec un prix de conservatoire dans la poche et, comme Sheila Jordan en de semblables circonstances, lui montre ce qu'elle sait faire au cours d'une soirée où se produit aussi le chanteur Jackie Paris et Dizzie à qui elle en met plein la vue, scatant dur sur I Remember April.
C'est la femme de Lionel Hampton qui, alors que la très jeune femme tourne avec la séminale formation swing du vibraphoniste à la fin des années 40, lui donne le surnom de "Betty Bebop" qu'elle déteste aussitôt, ne souhaitant entrer dans aucune autre chapelle que la sienne.
Suivent de longues périodes sans travail pour les raison évoquées plus haut et qui obligent Carter à faire mille et uns métiers, y compris bricoler des casse-croutes pour amuser la gueule des petites frappes du quartier chez un grec de Brooklyn où elle rencontre Don Joseph et Fruscella qui trainent pendant des heures leur désespérance arrosée sur les vielles banquettes de moleskine.
C'est en 1958, 6 ans quand même après avoir enregistré avec King Pleasure une fabuleuse version de Red Top, qu'elle grave avec le métronomique trio de Ray Bryant, un pianiste qui l'accompagnera souvent et bien, un Lp, nommé Out There with Betty Carter qui fera un petit tabac dans la profession.
Les années soixante seront pour elle à de rares exceptions celles d'une insatisfaction chronique due à l'incapacité d'enregistrer librement, même si elle semble s'épanouir pendant une tournée au Japon avec Sonny Rollins.
En 1970, écœurée par les menées commerciales des labels, et roulée dans la farine par l'un d'entre-eux, A&R, elle crée le sien Betcar.
En 1987, reconnue comme une des plus grandes vocalistes de jazz chez Verve, ce qui prête à sourire quand on sait combien ce label - qui rachètera le catalogue Betcar - avait pu négliger pendant des années l'importance de cette chanteuse hors du commun.
Intraitable et ne laissant à personne le soin d'arranger ses chansons, les chantant à sa manière seulement, musicienne hors pair, toujours juste, toujours dans le temps, capable de se jouer des textes et des notes avec une habileté déconcertante, tantôt douce comme le miel et souple comme l'ajonc sous la brise puis aussi féroce qu'un tigre à qui on aurait marché sur la queue, vorace, rieuse, portant l'ironie comme la mariée sa robe, celle qui était tombée si souvent dans les bras de la désillusion était habitée par une sorte de ressort spirituel et volubile qui nourrissait son art et lui faisait prendre les standards avec un gai savoir, une bienveillance amoureuse.
Écoutons cette âme électrique et passionnée - qui eût assurément plu à Warren qui l'écrivit en 1934 dans l'euphorie - dans une version sémillante de I Only Have Eyes For You gravée en 1969 au Judson Hall de New-York pour le label Roulette et en compagnie de Norman Simmons ( Piano), Lisle Atkinson (Contrebasse), Al Harewood (Batterie).
I ONLY HAVE EYES FOR YOUMy love must be a kind of blind love I cant see anyone but you And dear, I wonder if you find love An optical illusion, too?
Are the stars out tonight? I dont know if its cloudy or bright cause I only have eyes for you, dear The moon may be high But I cant see a thing in the sky cause I only have eyes for you.
I dont know if were in a garden Or on a crowded avenue You are here, so am i Maybe millions of people go by But they all disappear from view And I only have eyes for you
Dernière édition par Bannister le Mar 18 Mar - 20:58, édité 3 fois | |
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Johnnie Veuve Clicquot-Ponsardin
Nombre de messages : 1098 Age : 74 Date d'inscription : 30/06/2007
| Sujet: Re: BETTY CARTER ONLY BY HERSELF Lun 17 Mar - 12:07 | |
| Ah, quelle belle interprétation de Betty Carter que tu nous donnes à entendre !!! J'aime bien ses fantaisies mélodiques qui sonnent toujours juste et qui sont, reconnaissons-le, assez "casse-gueule". Une artiste qui prend des risques, ça mérite d'être salué... | |
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