Les mots de Stephen Holden sont justes : Leny Andrade va chercher sa voix au centre de la terre. Au centre sans couleur, sans forme, sans liberté, sans joie et sans parole de la terre première, de
l'origine du monde, l'autre à cuisses serrées.
Une voix tirée d'un puits sans fin, qui sourd, large, intense, irrépressible, et s'empare de tout, prend, aliène, dévore, change, revêt, révèle dans la douceur, à la limite de la fatigue, dans la vague alerte et suave d'arrangements qui doivent, pour l'essentiel, à l'épure, aux sereines fulgurances gilevansiennes.
Les couleurs ne sont plus les mêmes au moment où ce monde, nouveau né de la parousie secrète, bascule entier comme une chute, comme la promesse cherchant l'éther au dessus de la démolition des jours, patinée par les hoquets d'or noir de cent-mille âmes au couchant sous le règne imperceptible d'une dictature qui chantait si bien son nom qu'on va jusqu'à lui sourire -
Ci Vogliamo I Colonnelli! filmait Monicelli. Il faut donc savoir trouver l'ombre dans la lumière comme l'infinitésimale amertume dans les fruits murs.
Le début des années soixante dans les night-clubs superlatifs de Rio, ces théâtres de la chair soumis au règne du rythme comme se soumet le cœur à son battement, complètement, pour vivre. Ce « sambop » déroulant sur la lie fascinée des cuivres sa fresque contre les flancs de béton mouillés des palais de Brasília, participant de l'avènement de la dialectique Niemeyer pour un autre siècle gagné sur l'impassible énigme du vert.
Razao de Viver (Raison de vivre ), issu de l'album
Estamos Ai! a été gravé en février 1968 pour le label ODEON