BUNNY BERIGAN, 50 POUR 31

Du registre le plus bas de l’instrument jusqu’au plus haut, au bord du pavillon de la trompette, mince, affamé, fou, appliqué à déchirer l’azur brulant, Bunny Berigan brillait intensément. Surtout ce 6 août 1937 où il grava, dans le gin jusqu’aux genoux, ses 31 ans faisant 50 – vous avez dit Parker? - et de quelle manière magistrale cette version de I Can’t Get Started qui est sans doute la plus belle puisque c’est bien la vie brève de celui qui, après avoir caressé les étoiles avec le revers de sa très grande et permanente ivresse, tient dans ces quelques grammes de bakélite qui enchantèrent les postes de radio des gargotes et les ébats des baigneurs de Coney Island. Cette année où il fit si chaud et où Scott Fitzgerald, fou du trompettiste, écrivit, avec Zelda, mais sans Zelda, les souvenirs ne suffisent plus, hélas : dans la nuit véritablement noire de l'âme, il est toujours, jour après jour, trois heures du matin.

L’auteur de Tendre est la Nuit s’effondra au fond d’une bouteille le 30 mai 1942. Berrigan, après avoir tout perdu et bu la coupe jusqu’à la lie, redevenu simple sideman dans l’orchestre de Tommy Dorsey - qu’il surpassait pourtant musicalement - rejoignit Fitzgerald, léger - les illusions sont volatiles - au même endroit en décembre 1940.

Je ne résiste pas à l'envie de vous faire entendre cette superbe galette VICTOR qui vient d'être mise en ligne par un collectionneur: une formation de rêve composée de Thomas Fats Waller (piano), Dick McDonough(guitare), Bunny Berigan(trompette), Tommy Dorsey(trombone). Que ce blues est fin.